La sixième réforme de l'État change profondément le financement des entités fédérées et les règles de l'impôt des personnes physiques

La sixième réforme de l'État change profondément le financement des entités fédérées et les règles de l'impôt des personnes physiques

Le financement des régions et communautés

En décembre 2011, un accord politique a été conclu concernant la sixième réforme de l’État en Belgique. De nombreuses compétences ont été transférées par le pouvoir fédéral vers les Communautés et Régions. Ces entités reçoivent les moyens financiers qui en découlent via un important ajustement de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions ou loi spéciale de financement. Le financement de la Communauté germanophone est réglé par une loi ordinaire. Les lois qui exécutent l’accord sur la sixième réforme de l’État sont reprises dans une édition spéciale du Moniteur belge datée du 31 janvier 2014 et sont entrées en  vigueur au 1er juillet 2014. 2014 a donc été une année importante, l’exécution de la sixième réforme de l’État devant être réglée.

Les lignes directrices de la réforme du financement des entités fédérées sont les suivantes :

  • un important élargissement de l’autonomie fiscale des Régions en matière d’impôt des personnes physiques (IPP),
  • le transfert des moyens financiers en raison des nouvelles compétences
  • divers ajustements apportés au mécanisme de financement qui doivent garantir la viabilité à long terme du pouvoir fédéral et responsabiliser davantage les entités fédérées en ce qui concerne la politique menée.

Pour les Régions, cette responsabilisation est concrétisée par :

  • l’introduction de l’IPP régional,
  • l’augmentation de la répartition des moyens selon la clé fiscale,
  • la modification du mécanisme de solidarité,
  • la responsabilisation climat.

Par ailleurs, à l’instar des Régions, les Communautés sont également responsabilisées pour la charge des pensions de leurs fonctionnaires. D’ici 2028, leur contribution aux pensions atteindra 8,86 % de la masse salariale de leurs fonctionnaires.

A partir de 2015, l’IPP régional remplace les dotations octroyées par le pouvoir fédéral aux Régions jusqu’en 2014 inclus (cf. ci-après « L'IPP devient un IPP fédéral et régional »). L’avertissement-extrait de rôle relatif à l’exercice d’imposition 2015 fera pour la première fois une distinction entre l’IPP fédéral et l’IPP régional.

En plus des compétences en matière de fiscalité, les Régions reçoivent surtout de nouvelles compétences concernant la politique du marché de l’emploi.

Les Communautés – la Commission communautaire commune pour la Région de Bruxelles-Capitale – reçoivent un ensemble de compétences dans le domaine de la sécurité sociale, telles que :

  • les allocations familiales,
  • les soins aux personnes âgées,
  • des matières concernant les soins de santé et l’aide aux personnes,
  • les coûts d’investissement des infrastructures hospitalières et les services médico-techniques.

Elles reçoivent également la compétence relative aux maisons de justice et aux pôles d’attraction interuniversitaires.

L’exercice de ces nouvelles compétences est rendu possible par de nouveaux moyens financiers qui sont répartis entre les Régions selon la clé fiscale et entre les Communautés selon des clés démographiques objectives telles que la part dans le nombre de jeunes âgés de 18 ans ou moins, le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans et le nombre total d’habitants.

Les autres modifications apportées au mécanisme de financement des entités fédérées visent un financement plus durable du pouvoir fédéral. Il a ainsi été mis fin à la hausse exponentielle des opérations de refinancement des Communautés (le « turbo Lambermont »). Il est également demandé aux entités fédérées de fournir une partie de l’effort d’assainissement des finances publiques. Cette contribution budgétaire passe de 0,25 milliard d’euros en 2014 à 2,50 milliards d’euros à partir de 2016. Enfin, les entités fédérées contribueront aux coûts du vieillissement. La croissance économique ne sera répercutée que partiellement sur l’ajustement annuel des dotations. Ceci doit permettre aux entités fédérées de fournir d’ici 2030 un effort supplémentaire de 0,23 % du produit intérieur brut.

L’ensemble de la réforme du mécanisme de financement des entités fédérées ne peut entraîner un appauvrissement de ces dernières. C’est pourquoi un mécanisme transitoire est prévu. Celui-ci doit veiller à ce que chaque entité fédérée dispose, à partir du début du nouveau système de financement en 2015, de moyens financiers identiques à ceux qu’elle aurait reçus sous la précédente loi spéciale de financement. Ce montant transitoire est ensuite ramené à zéro sur une période de vingt ans.

L'IPP devient un IPP fédéral et régional

La loi spéciale de financement, telle que modifiée par la loi spéciale du 6 janvier 2014 portant réforme du financement des communautés et des régions, élargissement de l’autonomie fiscale des régions et financement des nouvelles compétences (Moniteur belge du 31.01.2014), a considérablement élargi l’autonomie fiscale des Régions.

Cet élargissement a été réalisé par l’instauration de la taxe additionnelle régionale sur l'IPP1 et est réglé selon le « modèle des centimes additionnels élargis ».

Auparavant, les Régions pouvaient déjà prélever des centimes additionnels, accorder des diminutions d’impôt et introduire des augmentations ou des réductions d'impôt mais cette autonomie était limitée à maximum 6,75 % du produit de l'IPP localisé dans chaque région.

Désormais, elles peuvent, de façon illimitée, établir des centimes additionnels sur une partie de l’IPP, accorder des diminutions d’impôt, introduire des réductions d’impôt et augmentations d’impôt et accorder des crédits d’impôt remboursables. Elles ne peuvent accorder aucun avantage sous la forme d’une déduction de la base imposable.

Les Régions obtiennent aussi la compétence exclusive de l’octroi d’avantages fiscaux pour les dépenses qui leur ont été transférées en raison de leur lien avec leurs compétences matérielles. Il s’agit plus précisément :

  • des dépenses faites pour acquérir ou conserver l’habitation propre ;
  • des dépenses de sécurisation des habitations contre le vol et l’incendie ;
  • des dépenses pour l’entretien et la restauration de monuments et sites et sites classés ;
  • des dépenses payées pour des prestations dans le cadre des agences locales pour l’emploi et pour des prestations payées avec des titres-services autres que des titres-services sociaux ;
  • des dépenses en vue d’économiser l’énergie dans une habitation, à l’exception des prêts verts ;
  • des dépenses de rénovation d’habitations situées dans une zone d’action positive des grandes villes ;
  • des dépenses de rénovation d’habitations données en location à un loyer modéré.

Les dispositions en vigueur au 30 juin 2014, relatives aux réductions et crédits d'impôt qui seront accordés dorénavant comme des réductions ou crédits d'impôt régionaux, restent d'application jusqu'à ce que les Régions aient établi leurs propres règles en la matière.

Dans l’exercice de leurs compétences en matière d’IPP, les Régions doivent respecter le principe de progressivité. Ceci implique que, à mesure que l'impôt de base augmente, le rapport entre le montant des centimes additionnels et augmentations d'impôt et l'impôt de base ne peut pas diminuer et que le rapport entre le montant des diminutions, réductions d'impôt et crédits d'impôt et l'impôt de base ne peut pas augmenter.

Pour éviter qu’une Région n’utilise un propre critère dans l’exercice de ses compétences en matière d’IPP, la loi spéciale de financement prévoit que la Région compétente pour l'exercice des compétences régionales en matière d'IPP est celle où le contribuable a établi son domicile fiscal au 1er janvier de l'exercice d'imposition.

Le pouvoir fédéral reste quant à lui exclusivement compétent pour :

  • la détermination de la base imposable ;
  • l'impôt afférent aux intérêts, dividendes, redevances, lots afférents aux titres d'emprunts et plus-values sur valeurs et titres mobiliers ;
  • les dispositions en matière de précompte mobilier et professionnel ;
  • le service de l'IPP.

En ce qui concerne la base imposable, sa compétence a toutefois été limitée dans le sens qu’elle ne peut plus accorder d’avantages fiscaux sous la forme d’une déduction de l’ensemble des revenus nets, sauf pour les rentes alimentaires. Par contre, elle conserve sa compétence exclusive pour déterminer l’ensemble des revenus nets et les déductions appliquées à cet effet comme, par exemple, les frais professionnels et la déduction pour investissement.

La loi spéciale de financement dispose aussi que, sous réserve de la compétence des Régions sur les sept dépenses fiscales précitées, le législateur fédéral peut instaurer des réductions d’impôt sans aucune restriction.

Pour que la continuité de la législation fiscale puisse être garantie, le Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après CIR 92) a été mis en conformité avec la nouvelle loi spéciale de financement par la loi du 8 mai 2014 (Moniteur belge 28.05.2014, deuxième édition) modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 à la suite de l'introduction de la taxe additionnelle régionale sur l'IPP2, modifiant les règles en matière d'impôt des non-résidents et modifiant la loi du 6 janvier 2014 relative à la sixième réforme de l'État concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution (ci-après la loi du 8 mai 2014).

Désormais, l’IPP qui se compose de deux grands blocs, à savoir « l’IPP fédéral » et « l’IPP régional », se calcule en quatre grandes étapes :

  • la détermination du revenu imposable ;
  • le calcul de l’impôt État et de l’impôt État réduit ;
  • le calcul de l’IPP fédéral et de l’IPP régional, la somme des deux constituant l’impôt total ;
  • la détermination de l’impôt final.

Les réformes sont entrées en vigueur au 1er juillet 2014, de sorte que les compétences fiscales des Régions en matière d'IPP sont applicables à partir de l'exercice d’imposition 2015 - revenus 2014.

La réforme de la loi spéciale de financement a également des répercussions sur l'impôt des non-résidents. Cet impôt reste une compétence exclusivement fédérale mais les règles d'imposition régionales seront également applicables aux non-résidents dans la mesure où ils peuvent invoquer le principe de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux dans le cadre de l’Union européenne et de l’Espace économique européen ou une clause de non-discrimination d’une convention préventive de la double imposition. La localisation du non-résident, tributaire de l’endroit où les revenus professionnels sont obtenus ou recueillis, déterminera quelles sont les règles fiscales régionales à prendre en considération. La loi du 8 mai 2014 a modifié le CIR 92 pour clarifier, par catégorie de revenus, les points de rattachement qui doivent être utilisés pour déterminer dans quelle région un revenu professionnel est obtenu ou recueilli.

1 visée au titre III/1 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions.

2 visée au titre III/1 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions.